III.L’adaptation du système ostéo-articulaire en fonction de l’exercice d’une activité sportive
Il est important de mentionner que le système ostéo-articulaire et le système musculaire sont difficilement séparables car ils sont reliés par les tendons et par les muscles squelettiques. Cependant, nous avons choisi de les traiter en deux parties distinctes pour mieux comprendre leur fonctionnement et réactions face à une activité sportive.
Le système ostéo-articulaire se compose du système squelettique (les os et le cartilage), et des ligaments.
Les différents os du corps humain, toutes les articulations, ainsi que les ligaments sont responsables du soutien de l’ensemble du corps humain et de son mouvement.
Nous allons ainsi étudier les différents effets du sport sur cette partie du corps humain.
1. Effets sur le cartilage
L’articulation est le point de contact entre deux os. Elle se constitue de différents tissus conjonctifs et permet le mouvement ou non.

Alimentation des articulations et prévention de l’arthrose
Un mode de vie sédentaire peut avoir différentes conséquences nocives pour la santé cartilagineuse.
Le manque de force des éléments constitutifs de l’articulation (muscles, ligaments…) rend le mouvement plus difficile et douloureux. L’articulation s’affaiblie et s’expose à un risque de blessure important.
Expérience : On soumet des lapins à un exercice physique régulier.
L’observation des chondrocytes permet d’affirmer que les lapins « sportifs » possèdent des chondrocytes plus gros que les lapins sédentaires.
Le sport permettrait de développer d'avantage les cellules responsables du bon fonctionnement du cartilage, ce qui assurerait une meilleure santé du cartilage et donc une meilleure défense contre des blessures.
Une pratique modérée d’activités sportives dont l’intensité et la fréquence des charges et impacts sont raisonnables ne produit pas d’altérations articulaires.
Au contraire, la pratique d’activités en aérobie peut être vue comme un traitement pour l’arthrose. En effet, comme l’alimentation des articulations à lieu via les variations de pression de ces dernières, la réorientation sportive d’un footballeur (la course conduit à de nombreux chocs sur l’articulation du genou) vers la pratique de séances de natation pourrait être très bénéfique dans le cadre d’un retour à une hydratation, épaisseur, et densité normale du cartilage.
La pratique de sports à niveau moyen ou intensif peut avoir des conséquences négatives sur les articulations
La dégradation du cartilage est notamment caractérisée par une rupture du filet collagénique et une trop grande expansion des protéoglycannes.
Cela a pour conséquences :
- une désorganisation du tissu,
- une diminution de la concentration en protéoglycannes.
Par conséquent, les mouvements d’eau provoqués par une charge ne s’exercent plus majoritairement vers le liquide synovial mais dans toutes les directions. Par ailleurs, les mouvements inverses, lors de la suppression de charge, se font également de façon désordonnée.
Une des maladies les plus répandues liées à une dégradation du cartilage, est la gonarthrose, qui est une dégénérescence du cartilage du genou.
D’après le tableau ci-dessous, les sports pratiqués d’un niveau moyen à intensif, et spécialement les sports de combat ou sports collectifs, sont des facteurs favorisant le développement de cette dégénérescence du cartilage, à cause de forces de pression exercées relativement importantes.
La genèse d’une gonarthrose a lieu dans les zones de charges maximales, où des lésions peuvent se former. En effet, un joueur de rugby par exemple aura une probabilité supérieure de 3% d’être confronté à une gonarthrose, par rapport à un individu sédentaire ou pratiquant une activité sportive avec modération.

La pratique intensive d’un sport est définie notamment par la répétition trop fréquente d’un mouvement, surtout lorsque l’articulation impliquée est exposée à une tension excessive.
Cependant, aucune étude n’a pu prouver que la pratique d’un sport dans le cadre du loisir n’était liée à un quelconque effet néfaste sur le cartilage.
2. Les effets sur les os
Les os sont un tissu vivant en constance destruction et re-formation. Ce phénomène s'appelle le remodelage osseux.
Le système osseux a un rôle fondamental notamment car il assure :
- le soutien aux tissus mous et est le point d’attache aux muscles squelettiques
- la protection aux organes internes, tel que les os du crâne pour l’encéphale
- le mouvement car la contraction des muscles squelettiques a un effet de levier sur les os
- l’homéostasie des minéraux, comme le tissu osseux a une fonction de réservoir pour plusieurs minéraux (par exemple le calcium et le phosphore), et les libère dans le sang en fonction des besoins du corps et ainsi les distribue aux autres parties du corps les nécessitant
- la formation de cellules sanguines grâce à la moelle osseuse rouge
- le stockage d’énergie par le biais de la moelle osseuse jaune.
Une régénération osseuse favorisée
La pratique d'activités physiques est responsable de contraintes de déformation des structures osseuses en fonction de l'amplitude, de l'orientation et de la fréquence d'application.
Soumis à une force, l’os se déforme, puis retrouve sa forme initiale.
La loi de Hooke établi un rapport de proportionnalité entre la contrainte appliquée, l’élasticité, et la déformation.
Ainsi,
σ = E.ε
avec σ : contrainte appliquée en Pa
E : module d’élasticité de Young en Pa
ε : déformation, sans unité
Confrontation des os à différents types de forces
- la compression : action d’une force dans le sens du mouvement, en d’autres termes la force compresse l’os
- la traction : action de deux forces opposées sur un os, soit une résistance opposée au mouvement
- la flexion : l’os qui répond à une force de flexion est confronté d’une part à une force de compression et d’autre part à une force de traction
- le cisaillement : action de deux forces aux épiphyses de l'os
Différents athlètes soumis à des contraintes osseuses

Prise de kimono au judo
Pour un droitier, la main droite saisie le revers gauche de son adversaire au niveau de la clavicule tandis que la main gauche saisie la manche droite au niveau du coude (judoka en blanc).
L’adversaire étant résistant à la force transmise, le judoka initial soumet ses avant-bras à des contraintes de traction importantes lors de la prise de kimono et le maintien de ce dernier pendant le combat.

Une passe au rugby
Une passe de qualité en rugby nécessite une certaine posture pour l’ensemble du corps. Pour une passe à droite :
- prendre appui sur la jambe gauche (poids du corps à gauche)
- regarder dans la direction du lancé, c’est à dire à droite (ce qui implique une torsion de la tête et du haut du corps par rapport aux hanches)
- lancer de ballon, en l’accompagnant dans la direction souhaitée.
Ainsi, un joueur de rugby sollicite le haut de son corps de façon répétée lors de la possession de balles, lors de passes, induisant alors des contraintes de torsion et de flexion.

Un squat en haltérophilie
Le mouvement d’un squat se réduit à :
- des pieds écartés dans l’alignement des hanches
- dos bien droit
L’haltérophile produit donc une flexion des genoux, ce qui soumet son squelette à des contraintes de spécifiques de compression (corps, charges) et de flexion.

Ce schéma nous montre que les contraintes mécaniques (traction, torsion, compression, flexion) causées par des activités physiques entraînent le remodelage osseux en affectant particulièrement trois parties : la masse, la densité minérale, et la concentration minérale osseuses. Ces critères définiront la santé osseuse de l’individu.
Deux types de sports sont à différencier, car ils ne présentent pas les mêmes effets sur le squelette. Il s'agit des sports « en charge à impacts » et des sports « sans charge et sans impacts ».
Amélioration de la masse et du développement osseux
Avec des sports en charge et à impacts
La pratique d'une activité physique en charge (haltérophilie) ou à impact (boxe thaïlandaise) a des répercutions importantes sur le développement osseux. En effet, les forces mécaniques agissent sur le tissu osseux en stimulant la formation ostéoblastique et ainsi la minéralisation osseuse des secteurs concernés par les contraintes, tout en empêchant l'absorption des ostéoclastes. Par exemple, les sportifs pratiquant la boxe thaïlandaise incluent dans leurs entraînements des moments durant lesquels ils cognent leurs tibias contre des planches très rigides pour provoquer le remodelage osseux et ainsi gagner en résistance osseuse.
Les sports en charge ou à impact sont ainsi appelés « ostéogéniques ». En d’autres termes ils favorisent la densité minérale osseuse.
Avec des sports sans charge et sans impacts
D’après une étude, comparant le bras dominant et le bras non-dominant d’un joueur de tennis, on observe une valeur de surface corticale (en mm²) supérieure sur le bras dominant avec une différence entre 11.5% et 32% avec le bras non-dominant.
La pratique de sports sans charge et sans impacts favoriseraient le développement de la taille de l’os cortical.
Avec une pratique de sports multiples
La géométrie osseuse des jambes a aussi été analysée. On observe que chez les individus multi-sportifs, l’épaisseur corticale est plus importante du côté de la jambe d’appui (différence entre 27% et 45%) avec l’autre jambe.
La pratique de sports variés, soit une stimulation générale des os, engendrerait un développement favorisé de la densité minérale de l’os cortical (partie interne de l’os qui apporte une protection et un soutien, tout en offrant une résistance aux forces que le poids et le mouvement exercent sur lui).
Effet de l’activité physique sur la qualité et la microarchitecture osseuse
Expérience : On fait faire 5 semaines d'exercice sur tapis roulant à des rats âgés de 9 semaines.
On observe :
- dans la zone d'ossification primaire une augmentation du nombre de travées osseuses à l'épiphyse du tibia ainsi qu'une réduction de l'espacement inter trabéculaire
- dans la zone d'ossification secondaire un épaississement des travées osseuses ainsi qu’une augmentation du volume osseux.

L’exercice physique aurait renforcé les travées existantes.
Par exemple, les gymnastes de haut niveau contraignent leurs os à des charges souvent supérieur à 10fois leur poids de corps pour acquérir un réseau trabéculaire plus dense et ainsi plus résistant et plus puissant.
Ainsi, l’adaptation du réseau trabéculaire à l’exercice physique favorise l’amélioration de la résistance mécanique de l’os.
Le sport dans la prévention de l’ostéoporose
L’ostéoporose est une maladie qui peut se traduire par la dégénérescence des os.
D’après les effets du sport sur les os vus ci-dessus, on peut dire que la pratique d’une activité physique serait un moyen de prévenir l’ostéoporose :
- en augmentant la minéralisation osseuse avec des sports en charge et ainsi rendre l’os plus résistant aux impacts
-
en augmentant la densité trabéculaire avec des sports gymniques et ainsi améliorer la résistance aux forces mécaniques.
L’os est ainsi protégé contre les risques de dégénération des os.
En somme, pour bénéficier des bienfaits du sport sur les os, il est important de maintenit un équilibre sportif variant les types de sports, avec une intensité qui correspond à ses capacités physiques personnelles.
Des effets délétères tels qu'une altération de la croissance et fractures de croissance
Une altération de la croissance
Une étude a été faite concernant le capital osseux de jeunes filles gymnastes, suivant un entrainement intensif, soit plus de 20h par semaine.
On a observé :
- ralentissement de la croissance, et de fait, taille moyenne inférieur à la taille moyenne des filles de leur âge : pic de croissance de 5,5 à 6,4 cm par an, contre 7,3 à 9,1 pour les filles « normales »
- baisse du capital osseux, et par conséquent, âge osseux largement inférieur à leur âge chronologique
- réadaptation de l’os (augmentation de la taille) après arrêt de la pratique, ou après pratique moins intensive
Une pratique trop intensive d’un sport à impact tel que la gymnastique peut donc être négative sur la santé osseuse.
On parle ainsi d’un effet seuil, qui se traduit par la limite de pratique sportive avant d’être confronté à des impacts qui peuvent être nocifs pour la santé osseuse.
La fracture de fatigue
La fracture de fatigue est une fracture de contrainte. Elle est la conséquence d’une pratique sportive trop intensive impliquant des contraintes intenses sur un os en particulier.
Lors d’un entrainement sportif, le remodelage osseux mettant en scène les ostéoblastes et ostéoclastes s’accélère pour répondre aux contraintes exercées sur les os.
Mais lorsque l’entraînement devient trop intensif, les ostéoblastes ont du mal à fournir aussi rapidement les nouvelles cellules attendues, alors que les ostéoclastes continuent leur travail de destruction.
Se forment alors des micro-fractures, en d’autres termes un détérioration de l’os sans reconstruction adéquate, appelée « fracture de fatigue ».
Fracture de fatigue localisée sur le tibia d'un coureur

3. Effets du sport sur les ligaments
Cliquez sur l'image pour en savoir plus.
Un exemple récurrent de blessure chez le sportif : l' entorse
Une entorse est une élongation ou une déchirure des ligaments qui résulte d’une violente torsion de l’articulation. Elle est due à la soumission du ligament à une force supérieur à sa capacité de résistance.
Test de résistance en accrochant des poids à un ligament

Masses suspendues : somme totale de 600grammes
Observation : aucune cassure, aucune distension.
Interprétation : une force doit être considérable pour engendrer une entorse.
Un joueur de rugby est régulièrement confronté à la soumission de ses appuis à des changements de direction brutes, ou encore des chocs liés à un écrasement de l’articulation. Il est donc d’avantage exposé à un risque d’entorse qu’un grimpeur ou d’un nageur dont les mouvements sont en aérobie et non bruts.

Les ligaments du « plaqué » vont être soumis au poids entier d’un homme ainsi que la force transmise par le plaqueur. Le plaqué porte jusqu’à lors uniquement son propre poids va recevoir brusquement énormément de force sur son genou.
Risque d’entorse très important.

Le joueur court dans le sens opposé à la direction de la force de son genou gauche. Un dérapage suffirait pour tordre son genou. La force de l’énergie émise par le joueur pour avancer sera son ennemie dans le sens où elle accentuera la brutalité du mouvement.
Conclusion
Ainsi, le sport a divers effets sur les articulations, les os, et les ligaments. Ces effets peuvent être bénéfiques pour le corps humain, autant pour la pratique d’une activité physique que pour la vie quotidienne, comme une meilleure résistance osseuse aux chocs et de façon plus générale, la capacité de prévention des conséquences des chocs et d'arthrose pour les articulations par exemple.
Mais ils peuvent aussi être délétères jusqu’à handicaper le sujet dans ses activités quotidiennes. On peut citer pour illustrer cela, des répercutions sur les ligaments comme des enthorses, qui peuvent être plus ou moins graves pour la santé du sportif.
La prévention pour ces situations peut se résumer à une pratique sportive plus modérée comme nous l'avons vu. D'autres recours sont à considérer, tels qu'une adaptation du matériel utilisé, ou à un recourt à des méthodes médicales.